Le divorce hors le juge : mauvais remake de « Un génie, deux associés, une cloche » ?

Gazette du Palais – 19/07/2016 – n° 27 – page 3

 

L’avenir de la justice se trouverait-il hors le juge ? Pour en faire état un exemple suffira : le divorce par consentement mutuel.

Ce divorce est une véritable arlésienne de la réforme de la justice. Partant de l’idée qu’il est inutile de solliciter un juge lorsque les parties sont d’accord pour divorcer, de multiples propositions ont été faites afin de le déjudiciariser. La toute dernière version du scénario a fait son apparition lors de la réforme de la justice du 21e siècle. Un amendement a en effet tenté en toute discrétion de mettre en place un dispositif qui ne semble satisfaire personne. Selon un nouvel article 229-1 du Code civil, le divorce par consentement mutuel devrait être encadré par deux avocats, prendre la forme d’un acte contresigné par avocats et être déposé au rang des minutes du notaire afin qu’il ait date certaine et force exécutoire. Les justiciables pouvaient se passer du génie du juge et se rapporter à l’association des deux avocats et au simple enregistrement du notaire. Monsieur le ministre de la Justice Jean-Jacques Urvoas a été très clair : « S’il n’y a pas de différend, s’il n’y a pas désaccord, le couple n’a pas besoin d’un juge ».

Cependant, aucune des parties prenantes, pas même les futurs ex-époux, n’est satisfaite de cette nouvelle procédure. La première source d’inquiétude est le sort des enfants dans une procédure qui n’est plus contrôlée par le juge, si ce n’est à la marge (demande faite par un enfant d’être entendu sans obligation pour le juge) ! En outre, pourquoi imposer deux avocats alors que le texte actuel prévoit la possibilité d’être assisté d’un seul et même avocat, option choisie dans 80 % des situations pratiques ? Est-ce vraiment une mesure destinée à réduire le coût de la justice pour les justiciables, alors qu’un surcoût de 50 à 80 millions d’euros est envisagé ? Les deux avocats « associés » dans la réalisation de cet acte contresigné voient par conséquent leur responsabilité alourdie par la signature d’un acte pour la rédaction duquel ils devront prendre des précautions particulières. Au surplus, supprimer l’homologation judiciaire au motif que le juge refuse rarement d’homologuer est un raisonnement trompeur. Les vertus préventives de l’homologation judiciaire ne doivent pas être négligées.

Quant au notaire, ce dernier n’est-il pas le dindon de la farce ou la cloche de service ? Réduit au rôle de simple chambre d’enregistrement, il a su tout de même tirer la sonnette d’alarme, sons de cloche qui ne sont pas tombés dans l’oreille d’un sourd car des modifications ont dû être apportées afin de tenir compte de leurs observations : on ne peut exiger du notaire qu’il procède au dépôt au rang de ses minutes sans opérer au moins une vérification de la validité apparente de l’acte ainsi « enregistré ». C’est un moindre mal mais cela en dit long sur le rôle que l’on voudrait demain attribuer au notariat.

Quoi qu’il en soit, ce scénario mal ficelé n’a pas longtemps fait illusion et la commission mixte paritaire a su mettre en lumière toutes les faiblesses de ce processus de divorce hors le juge très mal pensé. La première saison finit donc assez mal pour ce remake d’un génie, deux associés, une cloche ! Une suite est-elle prévue ?

Ce contenu a été mis à jour le 5 décembre 2016 à 9 h 59 min.

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